Arcane XV

Arcane XV, critique cartes sur table

Depuis quelques années, les XII singes et plus particulièrement la branche Dark Monkeys, aiment nous fournir des boîtes complètes contenant tout le nécessaire pour jouer et immerger ses joueurs dans une campagne autonome. Ces boîtes regorgent d’aides de jeu, de plans, de portraits de personnages et le matériel physique est toujours excellent. Quant à la qualité des campagnes, c’est variable. Si « La ville en jaune » est surprenante et plutôt bien ficelée, « La lisière » avait un peu déçu sur certains points. À mes yeux, le champion toute catégorie de ces boîtes immersives des XII singes, la campagne qui réussit absolument tout ce qu’elle entreprend, reste celle de Tristan Lhomme, je parle évidemment des « Encagés ». Depuis, dès qu’une de ces campagnes premium sort chez l’éditeur, je ne peux m’empêcher d’attendre avec impatience qu’elle soit mienne. Alors, les XII singes ont-ils su à relever la barre avec cette campagne d’  « Arcane XV«  ? 

Au diable les horreurs

Comme chaque fois, c’est un peu fébrile que j’ouvre cette boîte. J’ai hâte de savoir ce que l’éditeur nous à préparé et j’ai hâte de découvrir le système de jeu que les XII singes nous avait teasé lors de notre interview à OctoGônes. Allez, trêve de blabla, qu’est ce que ça vaut Arcane XV ? 

Dans cette histoire, les joueurs vont être invités à incarner des comédiens dont la carrière est un peu… disons compliqué. Une chose est sûre, c’est qu’entre la cascadeuse qui se rêve premier rôle et l’ancienne star de téléréalité mettant en scène des personnes du sud de la France, le casting est haut en couleur et chaque prétiré oscille entre le pathétique et l’attachant.

Et c’est d’ailleurs une vraie marque de l’écriture de Michaël Maurat, et une réelle force de la campagne. Pour surprendre le joueur, il est important qu’il ne sache pas à quoi s’attendre alors l’auteur nous offre une introduction qui interroge, mais qui installe une ambiance qu’on pourrait croire sortie d’une série française un peu ringarde qui se voudrait fantastique avant d’enfoncer les joueurs dans une horreur au croisement de l’onirisme et de l’occultisme. On passe très rapidement et de manière assez frontale de Joséphine Ange Gardien à la neuvième porte. L’écriture est claire, précise, référencée et documentée si bien que nos joueurs vont plonger à travers les personnages dans un univers crédible et cohérent. C’était une des forces majeures des Encagés. C’est également le cas pour cet Arcane XV.

Je ne divulguerai rien ici, mais si les enjeux de la campagne vous intéressent, je vous invite à regarder la partie spoiler de la vidéo sur la chaîne. Mais s’il y avait une chose à retenir de l’écriture selon moi, ça serait la volonté de ne prendre personne pour plus bête qu’il n’est. Les thèmes principaux qui vont tourner autour de l’incarnation d’un personnage, d’être un autre dans un autre univers et évidemment mis en parallèle avec le cinéma et le propos n’en est que plus percutant. Les cinéphiles prendront plaisir avec les multiples références glissées ça et là, mention spéciale pour les dons des personnages sans pour autant que les néophytes se sentent exclus.

Le choix des cartes

Ne tournons pas autour du pot, Arcane XV réussit le pari de son système et de ses mécaniques. La promesse était d’avoir un jeu horrifique qui met en valeur un jeu de tarot qui servirait à la fois de support à la campagne, de mécanique, mais aussi d’aide de jeu… autant le dire tout de suite, le résultat est assez bluffant de cohérence et d’efficacité. Les joueurs auront chacun leur jeu de cartes, oui, le jeu de cartes standard un peu pourri avec lequel vous jouez à la belote avec vos grands-parents. Oui, c’est ça, celui avec écrit « Pastis 51 » au dos. Les joueurs auront ces cartes, un peu nazes et vraiment moches, pendant que trônera sur la table le magnifique jeu de tarot créé pour la campagne. Tout est fait pour que le jeu de tarot soit un objectif. Les joueurs vont progressivement recevoir des cartes de ce dernier qui auront chaque fois un impact significatif sur la partie. Logique et cohérent en tout point, le tarot est un élément central inter et intradiégétique qui mélange donc assez habilement l’univers du jeu et le « métagame ». Rien de tel pour perdre et déstabiliser les joueurs, les renvoyant à leurs questionnements comme un miroir de leurs personnages également perdus entre des endroits dont ils auront pour certains du mal à concevoir la matérialité et les contours. 

Le système en lui-même est simple et efficace et tout est fait pour qu’il ne soit pas un frein au rythme et à la narration. Les joueurs ont trois cartes en main et une limite de valeur les empêche de garder des mains un peu trop fortes. Cela permet d’éviter l’écueil pouvant pousser les joueurs à surréagir pour se débarrasser de cartes faibles de leur main. Dans Arcane XV, avoir une grosse main est très fort sauf que si un combat s’engage… C’est la catastrophe puisqu’elle devient injouable. On sent que le système a été réfléchi pour être efficace et assez équilibré. 

Reste quelques petites choses qui selon moi fonctionnent légèrement moins: le système de combat ne rend pas les actions très passionnante malgré un système de prise de risque/ récompense qui est intéressant. En réalité, on a l’impression que cela a été rajouté car nous sommes dans un jeu de rôle et que certains vont vouloir se battre mais tout l’enjeu d’Arcane XV n’est clairement pas dans les affrontements.

Conclusion : N’attendez pas pour plonger dans l’horreur

Arcane XV est donc un jdr qui plaira à ceux qui veulent une campagne pas trop longue (nous sommes plus sur une dizaine de sessions que sur 50) et à l’ambiance mystérieuse et occulte. Le matériel est, comme souvent chez les XII singes, de qualité. Même si la campagne est beaucoup moins viscérale que les Encagés, le thème et le traitement qui en est fait fonctionnent réellement. L’écriture est excellente et le jeu est aussi agréable à lire qu’à mettre en scène. Et référence au cinéma oblige, la fin est loin d’être bâclée, les propositions qui sont faites suivant les choix des joueurs sont pour la plupart intéressantes et pour certaines très inspirées. On a envie de faire jouer la campagne pour explorer ce dernier acte dépendant de leurs décisions à plusieurs reprises pour en découvrir toutes les ramifications.

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